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CONTROLE FISCAL : FANTASMES ET REALITES

Les déclarations du Président de la République sur les dénonciations
anonymes ont été durement ressenties par les agents des impôts, en
particulier ceux en charge du contrôle fiscal. Nombreux sont ceux qui se
sont sentis injustement insultés par la référence à « Vichy » les
assimilant, de fait, aux acteurs les plus sombres de l’occupation nazie.
N’y aurait-il donc aucune limite aux comparaisons simplistes en tous
genres visant, par le dénigrement du service public et de ses agents, à
tout mettre en oeuvre pour favoriser le « laisser faire, laisser passer
 » ? Car ne nous y trompons pas, les applaudissements nourris des
représentants du Medef ont bien montré le sens de ces déclarations.

Rappeler que le contrôle fiscal vise à combattre la fraude fiscale et à
s’assurer que les citoyens participent à la « contribution commune (.)
en raison de leurs facultés » (article 13 de la Déclaration des Droits
de l’Homme et du citoyen), et non en raison de leur volonté ou de leur
pouvoir, semble utile. En cela, le contrôle s’inscrit dans le droit fil
des principes démocratiques, bien loin de « Vichy ». En effet, au-delà
des formules « à sensation », un peu de pédagogie ne nuit jamais,
notamment en matière de contrôle fiscal, un domaine mal connu et sujet
aux fantasmes. Le contrôle fiscal a mauvaise presse. Seulement voilà, il
est utile : diminuez les moyens de lutter contre la fraude fiscale, et
la « peur du gendarme » envolée, il s’ensuivra un appel d’air qui
gonflera la fraude et diminuera les recettes publiques. On le voit, la
légitimité même du contrôle fiscal ne saurait être remise en cause, sauf
à expliquer aux contribuables honnêtes qu’il est normal qu’ils paient ce
que d’autres fraudent.

En France, chaque contribuable (particulier ou entreprise) déclare ses
revenus, ses bénéfices et, éventuellement, le patrimoine qu’il détient
ou qu’il reçoit, la TVA qu’il collecte en qualité de commerçant, etc. En
contrepartie, l’administration a le droit : de contrôler l’exactitude
des déclarations, d’inciter ceux qui ne déclarent pas à régulariser leur
situation, de rappeler l’impôt dû lorsque les montants déclarés sont
inférieurs aux montants réellement perçus et de sanctionner ceux qui ne
respectent pas leurs obligations fiscales. En théorie, le contrôle doit
donc permettre de « récupérer » l’impôt éventuellement fraudé pour faire
en sorte que chacun acquitte ce qu’il doit réellement.

Il est urgent de montrer en quoi le contrôle fiscal est budgétairement
rentable et socialement utile et de rétablir quelques vérités. Ainsi,
les agents des impôts ne décident jamais seuls et subjectivement des
contrôles à effectuer : leurs propositions de vérifications font
l’objet d’une procédure interne précise et la place des dénonciations,
globalement très rares, pas toujours anonymes et rarement étayées, y est
ultra minoritaire. Par ailleurs, ils ne décident pas plus seuls et
subjectivement des redressements fiscaux : ils les constatent au vu du
dossier ou de la comptabilité et les notifient au contribuable au terme
d’une procédure parfois longue, dans laquelle les droits du contribuable
sont de plus en plus importants (droit de réponse etc). Cela mérite
d’être précisé pour ne pas laisser perdurer le vieux fantasme de
l’inquisition fiscale menée par un « contrôleur fiscal » présenté, bien
souvent, comme inévitablement borné.

La fraude fiscale est difficile à évaluer, mais si les estimations
varient, toutes montrent qu’elle est colossale : le Conseil des
prélèvements obligatoires -CPO- estime que le niveau annuel de la fraude
fiscale et sociale est compris entre 30 et 40 milliards d’euros, le SNUI
l’évalue entre 40 et 50 milliards d’euros et la Commission européenne
avance une fourchette moyenne pour l’Union européenne de 2 à 2,5 % du
Produit intérieur brut, soit 34 à 43 milliards d’euros pour la France
(elle estime la fraude à la seule TVA à environ 10 % des recettes, soit
14 milliards d’euros pour la France). Les travaux du CPO sont éclairants
et confirment ce que les fiscalistes constatent de longue date : ils
montrent que la fraude fiscale et sociale est importante, mais aussi
qu’elle se développe, se diversifie, se complexifie et
s’internationalise.

Dans un tel contexte, l’heure n’est donc certainement pas au recul du
contrôle fiscal, mais bien à son amélioration, notamment en prenant
mieux en compte les réalités économiques. Cela passe par des moyens
législatifs et réglementaires adaptés, car un contrôle fiscal juste et
efficace, indépendant de toute forme de pression politique, doit être
plus présent et plus réactif dans ses procédures. Cela passe également
par le développement de la coopération internationale. Cela passe,
enfin, par des moyens humains. Le propos peut paraître incongru à
l’heure où on réduit drastiquement le nombre de fonctionnaires, mais les
faits sont têtus. Même avec l’aide précieuse de l’informatique, on n’a
pas trouvé mieux que l’être humain pour : gérer l’impôt, renseigner le
public, détecter la fraude, vérifier les dossiers, contrôler les comptes
ou encore recouvrer l’impôt. Il ne s’agit pas ici de verser dans le « 
tout sécuritaire fiscal » et la surenchère aux effectifs, mais
simplement de montrer en quoi la lutte contre la fraude est essentielle,
afin de nourrir sereinement un débat fiscal en rétablissant au passage
quelques faits qui lui manquent trop souvent. Mais une question centrale
demeure : y a-t-il une réelle volonté politique de lutter contre
l’évasion et la fraude fiscale ?

Par Vincent Drezet, , membre du Conseil scientifique d’Attac France, Secrétaire national du SNUI. Article publié dans La Tribune, 12 septembre 2007

Article publié le 13 septembre 2007.


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