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En 1907, ouvriers boulangers et limonadiers se rebiffent

La moustache pour tous !

Des travailleurs luttant contre la grande précarité, des clients « pris en otage », des syndicats dont on conteste la légitimité à parler au nom des travailleurs, des contre-arguments aux « réalités économiques » et des enjeux plus larges que la lutte particulière pour les deux camps... Cette petite musique semble familière ? Peut-être. Sauf qu’en cette année 1907 le conflit porte sur le droit à la moustache.

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Toutes les images qui accompagnent ce texte sont tirées de l’ouvrage Le Droit universel à la moustache. L’exemplaire lutte des ouvriers limonadiers restaurateurs pour le droit au port de la moustache (et autres droits sociaux), de Mathieu Colloghan, à paraître chez ABC’éditions à l’automne 2022.

La moustache, c’est du sérieux. On n’en rigole pas. Guy de Maupassant fait dire à l’héroïne de La Moustache : « Vraiment un homme sans moustache n’est plus un homme (). La moustache est indispensable à une physionomie virile. Non, jamais tu ne pourrais imaginer comme cette petite brosse de poils sur la lèvre est utile à l’œil et aux relations entre époux. » Enfin, la moustache… plutôt les moustaches, avec ses classifications savantes, ses déclinaisons, ses sous-groupes : à la gauloise, populaire et ramasse-soupe, l’aristo pointue ou la guidon de vélo qu’on modèle avec de la cire. Une enquête s’est même penchée sur la prédisposition à la moustache chez les dictateurs. Rien de concluant cependant : si 42 % des potentats portent du poil sous le nez, la raison en est souvent que cela se fait dans leur pays.

Le 17 avril 1907, les troupes françaises ont envahi Oujda, au Maroc, Rudyard Kipling a obtenu le prix Nobel de littérature, et les Parisiens profitent des premiers beaux jours. Ils se ruent sur les terrasses des brasseries des grands boulevards. C’est là, à 18 h 30, que débute par surprise la grève de la moustache. Pile à la demie, les garçons de café arrêtent de saisir les commandes, encaissent les consommations. Ils filent au comptoir prendre leur solde, rendent les tabliers et quittent les brasseries. Ils se retrouvent par petits groupes sur les trottoirs sous les regards incrédules et amusés des consommateurs étonnés de ce mouvement social loin des usines.

Les patrons replient la terrasse pour fermer boutique au Café de la Paix, baissent le rideau de fer au Café Riche et coupent la lumière à L’International pour faire partir la clientèle qu’on ne peut plus servir. Chaises sur les tables. Plus un verre n’est rempli au Buffet de la gare de Lyon, plus un bouchon n’est tiré au Café Cardinal, plus une table n’est débarrassée à L’Américain. La fête est finie.

Ainsi commence la grève des ouvriers limonadiers restaurateurs.

Le lendemain, la presse s’esclaffe en évoquant leur revendication : les garçons exigent de pouvoir porter la moustache ! C’est amusant. Jusqu’ici, l’agitation sociale, c’était les mineurs, les chemins de fer, les électriciens. Voilà que les boulangers revendiquent. Les garçons bouchers. Des fonctionnaires, les instituteurs, prétendent au droit syndical. On vient même d’assister à la création d’un syndicat de biffins !

Alors on s’inquiète aussi. Car il ne s’agit pas ici d’une flambée soudaine, mais d’un mouvement minutieusement préparé. Il faut revenir un an plus tôt pour comprendre le contexte, avec l’explosion de la mine de Courrières. L’énorme déflagration souffle plusieurs fosses. Plus de mille morts. Les secours sont dépassés et, trois jours après la catastrophe, la direction de la Compagnie des mines de Courrières décide, pour arrêter l’incendie et préserver ses intérêts, de murer les galeries de trois fosses (condamnant ainsi à une mort certaine les mineurs encore bloqués dans les décombres). La colère est immense et le mouvement social qui en résulte est historique par son ampleur et sa radicalité. Le gouvernement envoie la police. L’armée réprime. La justice condamne. Rien n’y fait. La direction cède sur les normes de sécurité et sur les indemnisations des familles des victimes.

Pour éteindre l’incendie social, le gouvernement centriste du Parti radical consent à une demande forte et symbolique du mouvement ouvrier : le repos hebdomadaire, l’une de ses deux revendications historiques avec la journée de huit heures. Cette exigence porte une idée d’émancipation : le destin ouvrier ne se résume pas à travailler puis à dormir pour retravailler.

L’annonce du repos hebdomadaire par le gouvernement de Ferdinand Sarrien soulève un espoir aussitôt déçu : à l’Assemblée, le Parti radical a méthodiquement détricoté le projet. Il n’est plus question que de jours de repos accumulés à prendre tous les trimestres sous réserve de multiples conditions et dans certaines branches uniquement. Et, même si la montagne a accouché d’une souris, le patronat en profite pour remettre en cause de nombreux accords signés auparavant.

Pour les limonadiers, il n’y a pas de repos hebdomadaire en vue, et les accords collectifs acquis de haute lutte ne sont plus reconnus par les patrons. La question se règle au cas par cas, café par café et, la plupart du temps, se traduit par le retour aux conditions de travail antérieures. C’est-à-dire à une forme de servage : l’ouvrier limonadier restaurateur, comme on dit à la Confédération générale du travail (CGT), vient à l’embauche le matin avec tablier et gilet. Si le patron veut bien de lui, il débute une journée qui peut durer vingt heures. Le soir, il ne touchera aucun salaire fixe, seulement ses pourboires. Ou du moins une petite fraction. Car, pendant son service, le serveur reverse les pourboires dans un tronc sur le bar. En fin de journée, le patron vide le tronc. Il prélève d’abord sa part (de 5 % à 25 % du total), puis les frais généraux (les outils qu’un bon limonadier doit pouvoir présenter aux clients : allumettes, papier à lettre, cure-dents, journal du jour). Sont aussi retenues la casse (le coût des verres ou des tasses) et les consommations impayées. Dans les grandes brasseries, les patrons imposent aux limonadiers un commis ou omnibus, dont le serveur doit payer émoluments et repas.

Ce qui reste se répartit avec une savante hiérarchie entre les serveurs. Les mauvais jours, les limonadiers ont travaillé pour rien. Sans garantie d’embauche, sans congés ni protection sociale. Épuisé avant l’heure, on ne dure pas dans cette profession. Uber n’a rien inventé.

Lors de son congrès de Bourges en septembre 1904, la CGT refuse de voir enterrer par l’Assemblée le congé hebdomadaire et décide de mener la bataille dans les métiers de l’alimentation. L’époque n’est pas au préavis, à la journée de grève au carré avec manif Bastille-Nation, à la bataille dans l’opinion à coups d’éléments de langage et d’amendements des conventions collectives. Les employeurs licencient les salariés qu’on soupçonne d’être du syndicat, embauchent du personnel pour remplacer les grévistes et, de toute façon, ne reconnaissent ni la CGT ni les actions ou revendications collectives. Pour jouer la surprise, la Confédération organise la mobilisation dans la clandestinité. Les syndicats de la Fédération de l’alimentation reçoivent un questionnaire. On leur demande le nombre d’adhérents disposés à faire grève ; les modalités retenues (légalisme ou violence ?) ; les revendications spécifiques. Les documents, une fois remplis, ne sont ni à retourner à la bourse du travail ni au syndicat, mais à un certain monsieur Legrand, inconnu de la police, demeurant 20, rue Bichat. À deux pas du siège, en construction, de la Confédération. Le tout par courrier sans annotations. Les syndicats recevront, à l’adresse personnelle d’un de leur adhérent, un simple courrier sans en-tête ni signature : « envoyer marchandise tel jour ». Ce sera le signal et la date de la mobilisation.

Ce sont les ouvriers boulangers qui commencent, le 11 avril 1907. Ils débrayent et vont le faire savoir. Le préfet de Paris, Louis Lépine, ne laisse guère les grévistes manifester paisiblement. Mais la CGT a trouvé des stratégies de contournement. Par exemple en annonçant à grand bruit une manifestation place de la Concorde, où le préfet se précipite, accompagné de journalistes et de ses agents en nombre alors que la manifestation a lieu ailleurs.

Ce coup-ci, Jean Amédée Bousquet et Auguste Adolphe Savoie, responsables de la Fédération des syndicats de l’alimentation, qui flânaient jusque-là au coin des avenues Marigny et des Champs-Élysées, sortent de leurs redingotes, à 10 heures tapantes, deux pancartes « Boulangers en grève » et « Vive le repos hebdomadaire », et quittent les trottoirs pour s’engager rue Royale.

De tous côtés, des promeneurs qui flânaient s’approchent, sortant drapeaux et pancartes dissimulés, et forment en quelques minutes un cortège de trois mille manifestants, à la surprise de la maréchaussée. Ils gagnent la bourse du travail dans le désordre après quelques heurts avec la police. Rapidement les commis les rejoignent, à leur tour en grève. Dans la salle voisine, les raffineurs, qui produisent le sucre, se lancent dans la bataille. Dans des salles plus petites, d’autres syndicats de l’alimentation se réunissent. La bourse déborde. Les salles sont pleines. On prend place dans les couloirs pour écouter les orateurs et on raccompagne les journalistes à la porte. La grève a commencé.

Georges Clemenceau, président du Conseil et ministre de l’intérieur, reçoit le lendemain au ministère les représentants des boulangers en grève. Il dit les soutenir et propose une médiation aux patrons de la boulange. Dans le même temps, il assure l’alimentation de la capitale par des productions issues de la petite et de la grande couronne. Il faut coûte que coûte garantir aux Parisiens du pain, élément central du repas ; chaque dirigeant politique sait qu’une pénurie peut provoquer une émeute.

Clemenceau est un personnage ambivalent. Ancien soutien du socialiste Auguste Blanqui, ami de Louise Michel, anticlérical et anticolonialiste, défenseur de la liberté d’expression et dreyfusard convaincu, il est devenu le champion du « parti de l’ordre » : il punit de prison toute parole antimilitariste, promulgue les premières lois de surveillance des Tziganes, fait réprimer dans le sang les mobilisations syndicales y compris en faisant tirer sur les femmes et les enfants, utilise des agents provocateurs et des taupes dans les mouvements de gauche. Bientôt, il lancera de nouvelles colonisations et fera incarcérer la direction de la CGT.

Pour l’heure, Clemenceau reçoit les ouvriers boulangers et soutient leur demande de négociation avec le patronat, mais ce dernier s’emploie à faire venir du personnel de l’étranger et, en attendant, fabrique le pain sous protection policière. Avec une certaine ironie, les syndicats de la boulangerie exposent devant la bourse du travail les pains difformes qui sortent de ces boulangeries sans ouvriers.

Le 17, l’ambiance est surchauffée dans la grande salle de la bourse, qui accueille la première réunion des limonadiers grévistes. On écoute dans les couloirs et on raccompagne les journalistes à la porte. À la tribune, la figure du syndicat des limonadiers, Eugène Protat, donne lecture des revendications : le repos hebdomadaire, la fin du tronc et des frais, la reconnaissance du syndicat et le droit de porter la moustache. Dans les autres salles, les garçons d’hôtel votent la grève. Les garçons bouchers s’organisent dans une petite salle attenante. Les plongeurs tiennent, de leur côté, leur première réunion. Les assemblées se concluent par des chants révolutionnaires. On scande « Vive la grève ! ». On crie dans la réunion des raffineurs. Alors qu’un camarade décrit les pressions que subissent les femmes grévistes, des hurlements interrompent l’orateur. Un policier caché qui notait les noms des intervenants est identifié, roué de coups et jeté hors de la bourse. Chaque nouveau groupe de grévistes qui arrive est acclamé à son entrée. L’assemblée générale des limonadiers déborde. Elle vote la grève à outrance.

Du côté de la chambre syndicale du patronat des restaurateurs, on se réunit aussi. L’ambiance est à la plus grande fermeté. À en croire la presse d’extrême droite, qui a ses entrées dans cette réunion privée, il est hors de question de reconnaître la CGT. Les problèmes se règlent en cuisine ; loin des conventions collectives et des accords de branche. On a mis en terrasse les commis, les bonnes et tous les extras qui se présentaient à l’embauche. On a affrété d’Italie un train de travailleurs pauvres disposés à remplacer les grévistes pour un salaire de misère. Une partie des cafés parviennent ainsi à rester ouverts. Pour les autres, les patrons disent préférer ne jamais rouvrir que de céder sur un iota.

Quand Spiess, patron du café viennois boulevard Montmartre, évoque la possibilité de reconnaître la CGT pour arrêter cette grève, on crie, on lui rappelle qu’il n’est pas très français et ferait mieux de se taire. Franc succès en revanche pour le patron du Café de la Paix, Arthur Millon, qui donne lecture d’un texte des grévistes. Les autres patrons s’esclaffent à l’écoute des revendications. Ils décident qu’ils n’iront rencontrer ni le syndicat ni le juge de paix qui s’est proposé comme médiateur à la demande de Clemenceau.

Aux terrasses encore ouvertes, les grévistes prennent un verre et interpellent les garçons non grévistes pendant des heures. Leur lisent des tracts. Les encouragent à débaucher. La grève s’étend. Des soupes communistes sont organisées rue de la Chapelle. Policiers et militaires protègent cafés et boulangeries. La presse s’inquiète de la radicalisation du mouvement, d’insultes, voire d’agressions dont seraient victimes des limonadiers non grévistes. Il est question de vitrines de boulangeries brisées, de pétrole versé dans le pétrin condamnant la fournée entière. Les éditorialistes réclament une police ferme, une justice dont la main ne tremble pas. Les représentants syndicaux font ce qu’il faut pour se mettre à l’abri de poursuites : ils affirment que de tels sabotages ne pourraient être le fait de leurs camarades.

« Soutenez la grève, ne payez pas de pourboires »

Pourtant, le sabotage compte au nombre des outils du mouvement ouvrier. Il faut d’ailleurs dire les sabotages : le gréviste perleur, qui travaille un peu moins bien, avec de menues erreurs, et ralentit ainsi la production ; le sabotage de la bouche ouverte, qui consiste à prévenir les consommateurs de malfaçons ou d’escroqueries dans les produits qu’on leur vend ; la « grève du zèle » ; le sabotage-blocage pour neutraliser les « jaunes » ; le sabotage-grabuge.

Une semaine avant le début du mouvement des syndicats de l’alimentation, Émile Pouget, l’un des principaux animateurs de la CGT, répondait au Matin. Le journal souhaitait comprendre ce qu’était le sabotage et, à l’approche d’un probable mouvement des ouvriers de boulangerie, s’il fallait redouter des empoisonnements.

« Ce sont les patrons boulangers qui pratiquent le sabotage en tripatouillant les farines, les mélangeant à des farines avariées ou de féveroles ou bien quand ils additionnent la pâte de drogues plus ou moins nocives. [Le sabotage] des ouvriers frappe leurs adversaires au coffre-fort (). Ainsi, si les mitrons “oubliaient” de mettre du levain dans la pâte, s’ils oubliaient le sel, ou, tout au contraire, avaient la main lourde ; si, encore, ils laissaient le pain brûler au four… le pain serait invendable, et seul le patron en pâtirait. () Tous les ennuis seront pour le marchand, car telle est la caractéristique du sabotage : frapper le patronat dans ses œuvres vives : la caisse. Et ne frapper que lui. »

Et encore : « La crainte du sabotage est, pour l’industriel ou le commerçant, évocatrice de penser humain, de réflexions conciliantes. Elle l’incite à une attitude moins outrancière et, quelquefois même, sans que les travailleurs intéressés aient à faire le geste saboteur, ils obtiennent les satisfactions réclamées. »

Au bouillon Duval, le patron enjoint aux serveuses de ne pas rejoindre les grévistes à la bourse du travail : « Les garçons de café sont en grève et il paraît qu’ils manquent de femmes à la bourse du travail. Ils ont envie de s’amuser. Méfiez-vous, car ce n’est pas pour vos intérêts qu’ils veulent vous faire quitter, c’est pour s’amuser avec vous, et qu’est-ce que vous en rapporterez plus tard ? Un petit gréviste ! »

Sur les tables des terrasses, des papillons rouges sont collés : « Soutenez la grève, ne payez pas de pourboire ». Dans plusieurs brasseries, les « jaunes » finissent la journée sans gagner un franc et ne reviennent pas le lendemain.

Alors que la grève gagne Lyon, Toulon, Nantes et Marseille, Clemenceau fait monter des bataillons à Paris. C’est là que tout se joue. Il a mis à disposition des boulangeries des soldats boulangers et les boulangers municipaux de l’assistance publique. Mais il fait également pression pour que les patrons cèdent au moins partiellement aux revendications. Ce qu’ils font sur plusieurs points importants.

Côté limonadiers, les employeurs qui refusaient la médiation du préfet et de Clemenceau cèdent : ils renoncent à une partie des frais et autorisent le port de la moustache. Les plus raisonnables ont négocié dans leurs établissements la fin des frais et du tronc et, pour certains, reconnaissent le syndicat.

Deux jours plus tard, les syndicalistes boulangers décident d’arrêter la grève après vingt et un jours de lutte. Ils ont obtenu la pause hebdomadaire tournante — leur objectif principal —, la reconnaissance du syndicat et quelques autres avantages. Il s’agit aussi d’éviter de trop nombreuses arrestations de militants ayant attenté à la « liberté du travail ». Encore quarante-huit heures et les limonadiers reprennent eux aussi le travail après seize jours d’arrêt. Ils ont obtenu la baisse des frais et l’abandon des troncs. Mais le syndicat n’est pas reconnu et le jour chômé n’est toujours pas à l’ordre du jour. Quatre ans plus tard, la CGT organisera une nouvelle grève qui débouchera sur les premières rémunérations en fixe, un revenu minimal et la fin des frais. Il faudra attendre les années 1980 pour que toute forme de rémunération au pourboire soit abandonnée.

Et au fait, pourquoi la revendication du droit de porter la moustache ? Brocardée par la droite, la revendication a un sens symbolique fort. L’époque voit les Français porter fièrement le poil : la barbichette à la Émile Combes, la moustache pointue à la Georges Yvetot, la barbe fournie de Jean Jaurès ou le bouc de Patrice de Mac Mahon, en passant par la barre à la Clemenceau, les favoris et les bacchantes. Le port de la moustache est même obligatoire chez les gendarmes.

Le poil, aurait-on dit, c’est l’homme : l’adulte, le citoyen majeur. L’imberbe, c’est l’enfant, le mineur. Or une interdiction contractuelle prive les domestiques et les garçons de café du droit d’arborer la moustache tandis que les pattes sur les tempes sont réglementées au centimètre. Le message est clair : vous n’êtes pas nos frères en humanité, vous êtes nos domestiques. Alors que la mode féminine plébiscite des coiffures lâches, des coupes volumineuses et des mèches folles, les cheveux des gens de maison doivent être strictement attachés et couverts.

En ce début du XXe siècle, le mouvement ouvrier revendique déjà l’émancipation des corps.

Mathieu Colloghan

Dessinateur.

Sources : Le Temps, Le Matin, L’Intransigeant, La Presse, La Croix, L’Humanité, L’Écho de Paris, L’Aurore, du 11 avril au 4 mai 1907 ; Grégoire Fleurot avec Aurélia Morvan, Mathieu Perisse et Agathe Ranc, « Un bon dictateur doit-il porter la moustache ? », Slate.fr, 8 mars 2012 ; Guy de Maupassant, « La Moustache », Gil Blas, 31 juillet 1883. Merci à Guillaume Davranche, auteur de Trop jeunes pour mourir, et à Selda Canan pour leurs conseils.

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par Mathieu Colloghan Lu par Vladimir Cagnolari +-
Des travailleurs luttant contre la grande précarité, des clients « pris en otage », des syndicats dont on conteste la légitimité à parler au nom des travailleurs, des contre-arguments aux « réalités économiques » et des enjeux plus larges que la lutte particulière pour les deux camps... Cette petite musique semble familière ? Peut-être. Sauf qu’en cette année 1907 le conflit porte sur le droit à la moustache.

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