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Situation en Kanaky et soutien au peuple Kanak

La CGT prend acte de la responsabilité du gouvernement dans le déclenchement des violences et soutient les luttes de l’USTKE et s’est toujours prononcée, pour la libération des peuples, contre la colonisation, et pour une décolonisation réussie en permettant au processus de l’accord de Nouméa d’aller à son terme

lire l’ensemble des éléments dans la note ci-jointe :

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... Et dans la :

Article en ligne sur telerama.fr

Nouvelle-Calédonie : “Plus que la révision du corps électoral, c’est la méthode employée qui choque”

Jusque-là, la recherche du consensus avait préservé la paix sur le territoire calédonien. Une réforme rejetée par les indépendantistes provoque aujourd’hui de violentes émeutes, mais la crispation couvait depuis 2021 selon une spécialiste. Explications.
Par Elise Racque
Publié le 16 mai 2024 à 15h30

D‘un côté, le camp des indépendantistes, représenté par le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). De l’autre, celui des loyalistes, qui souhaite que la Nouvelle-Calédonie reste française. Depuis quelques jours, la réforme du corps électoral calédonien, portée par la majorité macroniste, a précipité la Nouvelle-Calédonie dans la violence. Pourtant, depuis le drame de la prise d’otages de la grotte d’Ouvéa, en 1988 – dix-neuf militants indépendantistes, quatre gendarmes et deux militaires tués – la recherche du compromis avait toujours prévalu pour préserver la paix. Comment les choses ont-elles basculé ? Explications avec Christine Demmer, anthropologue au CNRS et au centre Norbert-Élias de Marseille.

Quelles sont les lignes directrices du processus décolonial engagé en Nouvelle-Calédonie depuis les années 1980 ?
Le premier enjeu de l’accord de 1988, signé après les événements dramatiques de la grotte d’Ouvéa, était de revenir à la paix. Le projet de Michel Rocard, qui souhaitait procéder à une « décolonisation dans la République », était de sortir le pays d’une situation d’inégalité économique forte entre les territoires habités par les Kanaks et la région de Nouméa, qui concentre toutes les richesses et deux tiers de la population. Le principe de cet accord était donc le rééquilibrage économique.

Du point de vue kanak, l’enjeu était de préparer l’accession à l’indépendance. L’accord de Nouméa, signé dix ans plus tard en 1998, engage un processus de décolonisation en organisant le transfert de compétences au pays, en créant une citoyenneté néo-calédonienne destinée à se transformer en nationalité en cas d’indépendance, et en garantissant l’organisation de trois référendums d’autodétermination, qui ont lieu entre 2018 et 2021. Pour le FLNKS, sortir de la tutelle française ne signifiait pas rompre tout lien avec la France, mais penser les modalités d’un partenariat.

Dans quelle mesure le référendum de décembre 2021 a-t-il été un moment de bascule ?
La population kanake, qui fut la plus touchée par le Covid, était en période de deuil. Le FLNKS a donc estimé que les conditions n’étaient pas réunies pour aller voter. Mais le gouvernement français a opté pour un scrutin en décembre 2021, contre l’avis du camp indépendantiste qui souhaitait son organisation après l’élection présidentielle de 2022. Le FLNKS a donc appelé au boycott du référendum, qui s’est soldé par une abstention de 57 % dont une majorité de Kanaks.

Au lendemain de ce dernier référendum, l’État français a fait comme si le résultat des urnes était l’expression de la volonté populaire, en ignorant la contestation du scrutin. Depuis, Emmanuel Macron a pris fait et cause pour une Calédonie française, ce que ses prédécesseurs avaient toujours évité de dire. Son discours à Nouméa le 26 juillet 2023 a explicité cette position, qui se comprend en partie à l’aune d’une perspective géopolitique : c’est une manière pour la France d’avoir un pied dans le Pacifique, face à la Chine.

En quoi le gel du corps électoral est-il un élément central du processus de décolonisation en Nouvelle-Calédonie ?
Pour comprendre la situation actuelle, il est primordial de se souvenir que la Nouvelle-Calédonie est une colonie de peuplement. Au XIXᵉ siècle, le projet colonial français était d’établir un bagne, puis une colonie agricole. Les Kanaks ont été cantonnés dans des réserves, avec l’espoir qu’ils disparaîtraient. Plus tard, au moment du boom du nickel, à la fin des années 1960, la Nouvelle-Calédonie a vu arriver un afflux de population depuis la métropole, les outre-mers français et Wallis et Futuna. Les Kanaks se sont donc retrouvés en minorité démographique. À partir de ce moment-là, un mouvement autonomiste puis indépendantiste a émergé.

La logique de décolonisation qui s’est enclenchée dans les années 1980 a notamment pour but de compenser cet effet démographique de la colonie de peuplement. Ainsi, depuis la révision constitutionnelle de 2007, seuls les habitants inscrits sur les listes électorales avant l’accord de Nouméa, signé en 1998, peuvent voter aux élections provinciales. Ce gel du corps électoral permet aux Kanaks d’avoir une représentation plus forte pour pouvoir peser sur les décisions. Sinon, du fait de leur minorité démographique, ils seraient toujours perdants. Les élus des assemblées provinciales constituent le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, qui nomme les membres du gouvernement collégial. Un dégel du corps électoral remettrait donc en cause les équilibres trouvés dans une logique d’équité et de décolonisation. Mais plus que la révision du corps électoral, que le FLNKS a accepté de discuter, c’est la méthode employée qui choque.

Pourquoi ?
L’accord de Nouméa prévoit, à la suite des trois référendums, la négociation d’un nouvel accord global. Tant que ce nouveau texte n’existe pas, l’accord de Nouméa, qui a été constitutionnalisé, est censé rester en vigueur. Or, le gouvernement français a décidé de mettre en œuvre un projet de réforme du corps électoral en dehors des discussions sur l’accord global. C’est ce que les Kanaks appellent le passage en force, et c’est la première chose qui bloque.

Par ailleurs, avant l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, les discussions avec le gouvernement français faisaient toujours primer le consensus et l’écoute, sans volonté d’imposer quelque chose. Les précédents présidents s’étaient toujours présentés comme arbitres – ce qui était bien sûr une posture – mais cela permettait d’écouter les deux camps pendant les négociations, pour arriver à un compromis. Là, la dynamique a changé. Contre cette tradition, le gouvernement actuel a choisi son camp : celui des loyalistes. En 2022, la nomination de la loyaliste Sonia Backès, présidente de la province sud, au poste de secrétaire d’État à la citoyenneté, a été vécue comme un risque de rompre avec l’impartialité. D’autant qu’elle est connue pour tenir des propos extrêmement virulents contre les indépendantistes. Le fait que Nicolas Metzdorf, lui aussi une figure loyaliste, soit le député Renaissance rapporteur du projet de loi sur la réforme du corps électoral, a contribué à crisper les débats.

L’esprit de compromis est-il important dans la culture kanake ?
Il ne faut pas tomber dans le culturalisme mais, oui, la recherche du consensus et la discussion sur le temps long correspond à un mode de résolution des tensions à l’intérieur de la société kanake. Dans le fonctionnement même du FLNKS, les dirigeants ne décident pas pour la base ; les décisions sont prises en congrès, validées par la base. Quand ce n’est pas le cas, ça se passe toujours mal.

Les événements violents des années 1980 planent-ils encore fortement sur les militants d’aujourd’hui ?
Oui, les jeunes connaissent très bien l’histoire de leur pays. D’ailleurs, ils ne sont pas des délinquants comme tend à le dire le traitement médiatique de ces derniers jours. On n’est pas dans une situation d’émeute mais dans une dynamique de décolonisation. Ces jeunes nationalistes descendent sur le terrain pour protester contre la remise en question du processus qui était engagé jusqu’ici.

Du côté des plus âgés, la génération actuellement au pouvoir côté kanak militait à l’époque des événements des années 1980. Ils ont connu la violence. Donc ils font tout pour que leur jeunesse n’ait pas à revivre ça, et appellent plutôt à temporiser. À chaque fois qu’ils l’ont pu, les Kanaks ont préféré la voie du dialogue. Aujourd’hui, ils ont l’impression qu’elle n’existe plus.

La Coutume kanak dans l’État. Perspectives coloniales et postcoloniales sur la Nouvelle-Calédonie, Cahiers du Pacifique Sud Contemporain, hors-série n° 3, C. Demmer & B. Trépied (dir.), L’Harmattan, Paris, 2017.

Article en ligne sur politis.fr

Macron pratique la politique du pire en Nouvelle-Calédonie

Il aura suffi de trois ans à l’exécutif pour saccager l’équilibre précaire de l’archipel. Le président tente désormais de rattraper une situation qu’il a lui-même provoquée.
Nils Wilcke • 15 mai 2024

Emmanuel Macron a tranché, la réponse de l’État sera répressive en Nouvelle-Calédonie. Le président sort l’artillerie lourde en demandant l’instauration de l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie, à l’issue du conseil des ministres ce mercredi 15 mai. Un régime d’exception déjà instauré précédemment huit fois en France que l’Élysée justifie par la situation « insurrectionnelle » sur le Caillou, qui a déjà fait quatre morts, dont trois parmi les jeunes Kanaks et un chez les forces de l’ordre, ce jour même. La colère explose chez les Kanaks après la réforme électorale très contestée votée par l’Assemblée nationale mardi soir, qui affaiblit, selon eux, leur représentativité.

« L’heure n’est pas grave, elle est très grave : si l’appel au calme n’est pas entendu, il va y avoir beaucoup de morts dans l’agglomération de Nouméa aujourd’hui », affirme le Haut-commissaire de la République de l’archipel, Louis Le Franc. Le représentant de l’État sur place semble complètement dépassé, à l’image de l’exécutif qui bombe le torse affirmant que « toutes les violences sont intolérables et feront l’objet d’une réponse implacable », comme l’a déclaré Emmanuel Macron.

Le chef de l’État a annoncé l’envoi de 500 policiers et gendarmes supplémentaires pour épauler les 1 800 agents déjà déployés sur le terrain. « Ce sont des réponses policières à d’épineuses questions politiques, sociales et économiques. Ça ne résoudra strictement rien », déplore la politologue Françoise Vergès, très engagée dans les débats sur la décolonisation. « L’archipel se trouve à 22 heures de vol de la France elle est plus proche de l’Australie, on se trouve en Océanie, c’est absurde que tout soit décidé à Paris en 2024 ».

« Attal s’en fout des Kanaks, il veut juste que Darmanin se plante »

La réforme électorale, censée ouvrir le vote aux descendants des colons, était mal engagée depuis plusieurs mois et les signaux d’alarme se sont multipliés, sans que le président ne change sa stratégie. « L’exercice en Nouvelle-Calédonie, c’est de fabriquer du consensus pour éviter la violence. Or, le compromis, c’est l’antithèse de la Macronie qui se définit par sa transgression conservatrice », avance un ancien conseiller passé par le ministère des Outre-mer. Pire, le président a balayé l’avertissement de Jean-Marc Ayrault, qui a signé une tribune avec Manuel Valls et Édouard Philippe dans Le Monde le 4 mai dernier. Les trois anciens Premiers ministres ont plaidé pour retirer le dossier à Gérald Darmanin et le redonner à Matignon. En vain.

Aujourd’hui, l’entourage de Gabriel Attal met en avant son expérience comme conseiller politique et parlementaire de Marisol Touraine entre 2012 et 2017 sur les questions ultramarines. Manière de redonner une légitimité au locataire de Matignon, qui ne semble pas pressé de reprendre la main sur le sujet.

Ce qui fait grincer des dents certains de ses anciens camarades : « On l’a rappelé à l’ordre pour lui dire que ça ne se faisait pas de publier sur sa page Facebook personnelle des photos de soi dans la piscine du préfet sous le soleil des tropiques quand on était en VO (Voyage officiel, N.D.L.R.) », se souvient l’un d’eux, sans nier la réalité de son travail, notamment sur le suivi de la loi instaurant l’égalité alimentaire sur l’Outre-mer. « La vérité, c’est qu’il s’en fout des Kanaks, il veut juste que Darmanin se plante », souffle un autre, en référence au climat de fin de règne au gouvernement.

Colonialisme et paternalisme

Mais la responsabilité finale de ce désastre incombe à Emmanuel Macron. « Le président s’est planté dès le début en favorisant les loyalistes pour engranger des voix en 2022 et en mettant Sonia Backès aux responsabilités, avec le résultat que l’on connaît », fulmine un ancien conseiller en charge du dossier. L’ancienne ministre des Outre-mer, qui n’a jamais lâché son mandat de présidente de l’assemblée de la Province Sud de la Nouvelle-Calédonie lors de sa prise de fonction, multiplie les duplex dans les médias pour en appeler à l’armée.

« Elle a un comportement qui confine au fascisme. Elle est la représentante d’une caste qui veut maintenir le régime colonial instauré après les accords de Nouméa », affirme la sociologue Nacira Guénif-Souilamas, professeure à l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis et collaboratrice régulière de Politis, qui a travaillé sur la Nouvelle-Calédonie à travers le prisme décolonial.

« Le Caillou est une colonie reconnue comme telle par les Nations Unies qui l’ont réinscrite sur la liste des territoires non autonomes. L’État français se comporte en État colonial et prédateur avec l’appui des descendants de colons. Il exacerbe les tensions et les oppositions », soutient la spécialiste, qui a suivi les négociations de Darmanin ces derniers mois. « Le dégel électoral n’est qu’un motif de colère parmi beaucoup d’autres dont les discriminations que subissent les Kanaks au quotidien. L’État les maintient dans un système discriminant et paternaliste. »

Système éducatif discriminatoire, pauvreté galopante, difficultés pour se loger ou obtenir un simple prêt bancaire. 51 000 Calédoniens (19 % de la population) vivaient sous le seuil de pauvreté en 2020, selon l’Insee. À cela s’ajoutent des difficultés industrielles avec la déconfiture de l’extraction du nickel, sur lequel la France veut maintenir la main haute face aux appétits grandissants des Chinois et des Américains. « L’État colonial considère les Kanaks comme une variable d’ajustement, c’est insupportable », soutient Nacira Guénif-Souilamas.

« La France tient tout un discours prétendument responsable sur les richesses de l’archipel, ce qui maintient de facto les Kanaks dans un état de soumission. Comme si Bolloré et Total étaient plus propres que les populations locales en Afrique et en Asie. C’est d’une hypocrisie », renchérit Françoise Vergès. Avec cette nouvelle crise, l’influence de la France risque de souffrir dans le Pacifique. « C’est toute l’intention du président de se présenter comme le troisième homme dans la lutte de pouvoir entre la Chine et les États-Unis qui vole en éclat », se désespère un conseiller de l’exécutif.

Et maintenant ? Emmanuel Macron a annoncé dimanche dernier qu’il ne convoquerait pas le Congrès de Versailles « dans la foulée » de l’adoption du projet de loi constitutionnelle sur l’avenir électoral du Caillou. Ultime tentative de se poser en sauveur d’une situation qu’il a lui-même créé.

Article publié le 17 mai 2024.


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